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Lorsque j'étais au CEG, ma classe avait eu à préparer un guide de la région. Chargée de la Celle-Guenand, j'avais eu l'idée de consulter Madame Dubin, institutrice en retraite, qui faisait des recherches à l'occasion du bicentenaire de la Révolution. Elle avait eu la gentillesse de me donner quelques-unes unes de ses notes manuscrites sur la Celle-Guenand.. C'était en 1989. Ni le guide du CEG, ni le livret du bicentenaire n'ont vu le jour. Je retrouve aujourd'hui avec émotion tout ce travail, qui n'a jamais été édité. Madame Dubin, qui vit maintenant dans les Deux-Sèvres où elle est née, m'autorise à le publier. Béatrice Robin Les Origines Le village de la Celle-Guenand, assis entre son église et son château, connut bien des vicissitudes : guerres, querelles, partages, avant de devenir ce qu'il est aujourd'hui : un calme et reposant bourg doté d'une maison de retraite moderne, d'un musée attrayant et d'une église romane très visitée. L'implantation de la Celle-Guenand au bord du Rémillon remonte à l'époque préhistorique, puisque des outils de pierre taillée furent découverts dans des grottes de cette commune. Au Moyen Âge, on appelait " Celle " une terre dépendant d'une abbaye lointaine. Le Père Abbé y déléguait quelques moines qui faisaient valoir ces fermes. De quelle abbaye moyenâgeuse notre " Celle " dépendait-elle ? Les historiens s'accordent à dire que sa plus ancienne seigneurie fut celle de la Celle-Draon, dont de très petits restes du château sont encore visibles au bord du Rémillon, au pied du coteau. Ils citent le nom de Guillaume de la Celle-Draon comme étant le plus ancien seigneur que l'on retrouve dans les archives, son nom apparaît dans une convention de 1215. A cette époque, une église, plus petite que celle que nous connaissons aujourdhui, était déjà en place. C'est également du XIIIème siècle que date la dénomination du quartier dit "La Juiverie". Le Roi Philippe Auguste ayant dévalué la livre tournoi, monnaie frappée à Tours, les banquiers Juifs se révoltèrent. Le Roi réprima la révolte et les fit exiler. Quelques-uns uns se retrouvèrent dans ce quartier qui garde encore le souvenir de leur passage. Quand la Celle-Guenand fut érigée en paroisse, on ne fit pas construire une nouvelle église. C'est peut-être à cette époque que l'on décida d'agrandir l'église existante ; les murs furent donc prolongés et une partie de l'église fut voûtée. Les deux curés furent priés de s'entendre pour leurs offices. On dit que l'un comptait ses ouailles d'un côté de la nef et l'autre de l'autre côté ; cela n'allait pas sans heurts. Les seigneurs de Guenand fondèrent une seigneurie sur l'autre rive du Rémillon. Au XVème siècle un nouveau château, celui que nous connaissons aujourd'hui, fut construit sur les ruines de l'ancien château-fort ; il fut plusieurs fois remanié au cours des siècles. Le mariage de l'un des seigneurs de la Celle-Guenand, Guillaume de Coutance, avec la châtelaine de la Celle-Draon, Renée d'Azay, réunit définitivement les deux fiefs. Le seigneur de La Celle-Draon fit construire une chapelle seigneuriale dédiée à Saint Mathurin ; le curé de la Celle-Draon en était le chapelain en titre. Cette chapelle existe toujours et sert aujourd'hui de sacristie. Le regroupement des deux paroisses dans la même église dura jusqu'à la mort du curé de la Celle-Draon, Maurice Oudin, en 1778. La paroisse de la Celle-Draon fut alors supprimée, la seigneurie était quant à elle disparue depuis longtemps, tandis que le château était, d'après les registres, en ruine dès 1671 "à cause des guerres". La paroisse de la Celle-Guenand prévalut seule depuis cette date ; elle fut attitrée à monsieur le curé Cheneveau ; l'archevêque de Tours lui adjoignit un vicaire pour remplacer le Curé Oudin, décédé. Sur les registres paroissiaux, tenus par les curés (il n'y avait pas encore de communes, ni de maires au début du XVIIIème siècle) la dénomination est : La Celle-Guenand-Draon La population est assez importante puisque, pour l'année 1789, 24 naissances sont enregistrées, mais beaucoup d'enfants meurent en bas âge ; des épidémies faisaient des hécatombes, en particulier chez les nourrissons. A cette époque le village était le
fief de la famille de Coutance. Sous leur dépendance,
vivait tout un peuple de travailleurs. Dans le bourg, le monde de l'artisanat est fort bien représenté. Nous retrouvons sur les registres : Des métiers connus : meunier, maréchal, bûcheron, maçon, charron, charpentier, tonnelier, menuisier, boucher, garde-champêtre, notaire. D'autres moins communs aujourd'hui : huilier, sabotier, tisserand, scieur en long, tuilier, cardeur, greffier de la seigneurie de la Celle, sacristain, drapier, marchand de bled (blé). D'autres enfin complètement oubliés : Sagettier : ouvrier tissant une étoffe appelée sarguette ou serguette. Fournier : préposé au four banal. Foulon : foulant le drap avec de l'argile pour le dégraisser et le nettoyer. Fendeur : ouvrier fendant le bois pour la tonnellerie ou la vannerie. Blottier : revendeur de marchandises achetées par lot. Regrattier : revendeur d'épicerie et plus spécialement de sel. Fermier : des fermes du Roy : collecteur d'impôt pour l'état Receveur de " la Seigneurie de la Celle " : collecteur dimpôt pour le seigneur. Employé de gabelle : collecteur de l'impôt sur le sel. (la bête noire de la population qui les appelait gabelous par dérision). Maître chirurgien ? peut être arracheur de dents et barbier. Mais la vie est très rude. En 1789, les paysans de la Celle, avec l'aide de leur notaire Maître Flambard, rédigent leur cahier de doléances. Ils se plaignent : du peu de valeur de leur terre, la plus grande partie étant " en lande et en bruyère "; ou bien " montueuse et coupée de ravins ". avec beaucoup de véhémence, des impôts dont on les accable et qui grèvent leur revenu de toute parts. Quand ils ont tout payé, " ils n'ont même plus pour réensemencer ". Les collecteurs d'impôts pour lÉtat, le Seigneur, le Clergé, passent chacun leur tour pour leur faire verser : la capitation, la taille, le rôle des chemins, la dîme, la gabelle (impôt sur le sel). Le mot gabelle était synonyme de calamité, cet impôt très impopulaire et très injuste engendra une grosse contrebande. Elle se faisait en faisant passer du sel du Poitou par le gué des Faux-sauniers sur la Creuse ; on trouve encore dans les grottes de Fontcluse des cuves qui recevaient le sel des contrebandiers. Les villageois rechignent à payer toutes sortes de droits qui leur sont demandés : droits sur le vin, sur les huiles, sur les mariages, sur les sépultures etc. Les villageois rechignent à payer toutes sortes de droits qui leur sont demandés : droits sur le vin, sur les huiles, sur les mariages, sur les sépultures etc. Les rentes seigneuriales sont " ruineuses, abusives et vexatoires " : Droit de champart : droit du seigneur à lever des gerbes après la moisson. Droits banaux : obligation de faire son pain au four banal du seigneur, de moudre au moulin banal. A ce sujet on relève dans les registres un droit dit droit de quintaine dû au seigneur par les meuniers des moulins banaux et par les bouchers. Ce droit fût transformé en farce de village, sans doute vexatoire puisque obligatoire. Il est relaté dans un procès-verbal dressé en 1779. On peut y lire que le jour de la Fête-Dieu, à l'issue des vêpres, Pierre Brault le jeune, meunier du moulin de Civray, François Galland, meunier du moulin de la Mouline, et le boucher Pierre Noury se sont présentés pour acquitter le dit-droit de quintaine. Un seau rempli d'eau ayant été attaché à une corde tendue au-dessus de la rue des Carrois, les meuniers amenèrent une charrette dans laquelle avait pris place le boucher tenant à la main une perche. " Ensuite les dits meuniers ont amené la dite charrette par trois fois sous le dit seau plein d'eau ; le dit Noury assis dans la dite charrette, a donné trois coups de sa dite perche par le fond et cul du dit seau et se l'est renversé sur luy... Au moyen de quoy le dit droit de quintaine demeure acquitté, l'ayant fait publiquement en présence de plusieurs habitants de la dite paroisse ! " Les Cellois contestent également les droits que prend le seigneur de Preuilly au marché du samedi : droit de minage sur les grains (la mine et le minot étaient des mesures de 78 et 39 l, d'où minotier, minoterie). droit de languéage sur les produits de la bouche. droit de placelage pour une place sur le marché. Après plaintes, un arrêt du conseil dÉtat du Roi de 1756 avait défendu au seigneur de percevoir de tels droits, mais fort de sa puissance, il passe outre depuis 30 ans. Les paysans perdent un temps fou en plaintes devant la justice pour des droits abusifs qu'ils contestent de toutes leurs forces. Trois cents jours de travail par an sont demandés à l'ensemble des habitants pour des travaux dûs au seigneur. Ils se disent dans la plus grande détresse. En 1789, les habitants se plaignent du mauvais état de leur bourg et de la voirie: " Le bourg de La Celle-Guenand étant inabordable et le public exposé à la chute de plusieurs édifices. " Nous ne sommes plus à l'époque du Moyen-Age ou de la Renaissance, qui virent la construction, l'agrandissement et l'embellissement de l'église. Tout semble aller à vau-l'eau. On édifie bien un nouveau presbytère, ce dont les gens se plaignent, comme trop contraignant pour leur porte-monnaie ; mais par contre l'église semble en piteux état, si l'on en juge par plusieurs procès verbaux de larchevêque de Tours. D'abord en 1728, Monseigneur Louis Chapt de Rastignac constate la mauvaise tenue de l'église et ordonne de "raccommoder les vitraux et de remettre des vitres là où elles se trouvent rompues". Il demande que l'on abatte la chapelle du cimetière, comme peu convenable au culte. En 1728, Monseigneur Louis Chapt de Ratignac constate outre la mauvaise tenue de l'église, celle du cimetière, qui la jouxte. Il semble lui aussi à l'abandon, puisqu'il ordonne : " Que tous les arbres comme chesnes(sic), arbres fruitiers et petits arbrisseaux... soient arrachés incessamment, qu'on fera planter de la haie vive aux endroits où il en manque et qu'on mettra une porte ou grille à l'entrée afin que les animaux n'y puissent entrer ; que le croissant du soleil sera doré et qu'on mettra une croix sur la boîte aux Saintes-Huiles. " Recommandations qui ne furent pas suivies, puisque vingt-cinq ans plus tard Monseigneur Louis Marie Bernard Rosset de Fleury redemande les mêmes choses pour le Croissant du soleil et la boîte aux Saintes-Huiles La chapelle n'a pas dû être abattue, on recommande cependant la réparation de l'autel. Ce qui fut peut-être fait en 1776, le curé de La Celle-Draon Maurice Oudin bénit dans le cimetière une chapelle dédiée à Saint Gratien, en présence du vicaire du Grand-Pressigny, de Monsieur Cheneveau curé de La Celle-Guenand, de Mademoiselle Suzanne Chrétien épouse de Maître Lamotte notaire Royal de Monsieur Claude Manceau, de Louis Plessard huissier de la terre de la Celle, de René Delorme ancien boucher et d'Alain Bisson sacristain. Après avoir demandé de fournir une multitude de meubles et d'ornements pour l'église, il demande de réparer incessamment la couverture de l'église et du clocher. Bon Prince, il " permet aux fabriques de faire planter des noyers autour du cimetière pour fournir à l'entretien de la lampe, afin qu'elle soit plus souvent allumée devant le très Saint Sacrement ". Une pierre du cimetière pose problème à l'évêque ; il demande qu'on l'enfouisse à cause de plusieurs superstitions qui y sont attachées. Ce fut cependant au XVIIIme siècle que l'on bénit deux cloches ; l'une en 1765, sans doute offerte par le " Haut et Puissant Seigneur Marquis de Coutance " qui en est le parrain et par son épouse " la haute et puissante Dame Anne Blanche de Maurepas " qui en est la marraine. La deuxième bénie en 1789 dont le parrain fut Michel Gaullier, la marraine Françoise Mayard, tous deux Seigneurs de la Celle. L'histoire ne dit pas si les paroissiens, qui se saignent aux quatre membres pour payer les rentes seigneuriales, ont apprécié le geste. Tous ces braves gens ont cependant conscience de leur indigence tant matérielle qu'intellectuelle (très peu savent lire). ils réclament un maître d'école pour leurs enfants. La Celle-Guenand devint commune en 1793. Alexandre Begenne fût désigné comme officier d'état civil. Il tint désormais les registres de baptêmes, mariages et sépultures dans "la Maison Commune". Le 18 avril 1800, le garde-champêtre Joseph Landais vint déclarer à la Maison Commune, la naissance dun garçon qu'il prénomma Joseph. Ce petit garçon devint un céramiste réputé, à Tours ou il mourut en 1883. De nombreuses fêtes réunissent chaque année cette population de paysans et d'artisans. 25 mai : une grande foire drainait toute la population d'alentour ainsi qu'un grand nombre de commerçants et de forains. 7 septembre : la foire aux melons, précédée la veille d'une foire aux moutons, attirait les éleveurs et les cultivateurs de la contrée. Pour solder les achats, on se retrouvait sous un gros chêne aux abords de la forêt sur la route de Paulmy. On peut encore voir cet arbre appelé "Chêne-Laurier". Le dernier samedi de novembre : un cortège précédé d'un bouquet de moisson conduisait les laboureurs à l'église pour une messe de bénédiction de leurs semailles. Sans doute ancienne survivance des fêtes des corporations du Moyen-Age. Toutes ces fêtes remises à l'honneur de nos jours font revivre les coutumes du passé. Le petit village, calme et paisible, image de la
douceur de vivre, comprend dans son territoire la forêt
de la Celle et une partie des forês de Sainte-Julitte et
du Grand-Pressigny. Au bord du Remillon, I'église du village garde son
aspect d'antan. Quant à la chapelle Saint-Mathurin, aujourd'hui
sacristie, elle fut rajoutée au XVIme siècle. Une
magnifique cuve Le Logis du château, encadré de deux grosses tours, fût bâti au XIV ou XVme siècle à l'emplacement d'une vieille forteresse; il est relié par une galerie sur arcades à un châtelet orné de jolies tourelles en encorbellement. Les tours d'angle sont garnies de leurs machicoulis. Près du château, quelques bâtiments de la juiverie dateraient des XIV, XV et XVIme siècles. Sur la route du Grand-Pressigny, non loin de la maison
de Retraite, au lieu-dit Les Genêts, un Seigneur du
même nom fit édifier au XVIme siècle, une chapelle.
(Classée monument historique.) Elle est constituée
d'une nef de deux travées voûtées sur croisées
d'ogives, retombant sur des culs-de-lampe sculptés.
Quatre socles, ornés d'armoiries, Une partie de l'école, transformée en musée, expose
une impressionnante collection d'outils anciens, faisant
revivre
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